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Tribune libre « Trop de PSA, tue le PSA »

Tribune libre « Trop de PSA, tue le PSA »

Pour Expression Biotech

Professeur Paul Perrin, urologue, PU-PH aux Hospices Civils de Lyon (HCL)

 Interview vidéo réalisée par Claude REYRAUD, Reycom

 

L’utilisation du dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) à partir des années 90 a révolutionné la prise en charge du cancer de la prostate, permettant de découvrir plus tôt et plus simplement des cancers jusque là passés inaperçus. Le nombre de tumeurs détectées a alors triplé.

Dans le même temps, de nombreuses avancées diagnostiques (échographies, biopsies) et thérapeutiques ont vu le jour, expliquant l’importance du dosage de PSA pour les professionnels en charge du traitement des cancers de la prostate.

Cela étant, il convient de rappeler que cet antigène n’est pas spécifique du tissu cancéreux, mais du tissu prostatique, bénin ou malin, ce qui explique sa faible spécificité. Son utilisation conduit à de trop nombreuses biopsies inutiles, génératrices d’anxiété et aussi parfois de complications. Cet inconvénient temporaire n’est pas sans risques.

Il faut aussi avoir conscience que les tumeurs de prostate sont hétérogènes : les plus nombreuses, à évolution très lente sans conséquence à l’échelle d’une vie (tumeurs indolentes), et d’autres plus agressives capables de mettre en jeu la vie du patient. En l’absence de marqueur précis d’évolutivité, l’utilisation du dosage de PSA à grande échelle mène à détecter un grand nombre de tumeurs indolentes (soit un sur-diagnostic, dans le sens excès de diagnostic), non repérables par le médecin, qui sont alors l’objet de traitements plus ou moins agressifs, mais tous inutiles ! C’est cet inconvénient définitif qui est inacceptable compte tenu de la morbi-mortalité associée aux traitements.

L’importance du sur-diagnostic associé au dépistage de masse rend l’offre de soins totalement inadaptée : pour 1000 hommes, le dépistage est au mieux utile pour 1 seul homme et inutile pour 999 parmi lesquels 36 hommes seront sur-traités. En découle une pléthore d’actes et d’effet secondaires supplémentaires et donc inutiles: 18 prostatectomies, 10 radiothérapies, 7 hormonothérapies, 14 cas d’impuissance, 3 d’incontinence…

Aujourd’hui la consommation de test PSA en France est celle d’un dépistage de masse inorganisé. L’arrêt de cette sur-consommation par la population ne serait pas aux dépens des hommes atteints de cancer de la prostate ni ceux inquiets d’être porteur d’un cancer mais au bénéfice des hommes sains ou dont le cancer est indolent.

Professeur Paul Perrin,

PU-PH aux Hospices Civils de Lyon (HCL)

Ancien chef de service d’urologie